Où l'auteur de la niouzeletteur, dans un monde qui ne sera plus jamais le même, évoque des publications récentes, des vidéos, des rendez-vous, des choses intéressantes à voir et même un chef-d'oeuvre (de la bande dessinée) publié au milieu de ce mois de janvier.
Donc David Lynch est parti. En partant, il a éclipsé toutes les autres morts de ce début d’année. Il a fait un vide. Mais est-ce que ce “vide” ne changera pas la façon dont nous voyons le “plein” ? Ces dernières années, David Lynch parlait beaucoup des Beatles dans ses interventions publiques. Une de ses dernière apparitions autofilmées, la dernière peut-être, consistait quasiment en une exégèse de la chanson “Across the Universe”. En particulier, la parole de John Lennon : “Nothing’s gonna change my world.” Lynch y expliquait : Cela ne veut pas dire “Rien ne changera mon monde”. Cela veut dire : le “Rien” changera mon monde. Le “Rien”, le “vide”, le non-manifesté. David Lynch parlait comme la femme à la bûche. Moi, je me disais : “Son cinéma est en train de se transformer en or”. Il n’en a peut-être pas besoin. Il est déjà en or. Sur tant de points. Merci à Stéphane Chevalier pour m’avoir transmis cette vidéo. J’en avais besoin pour que mon chagrin se transforme, lui aussi.
https://www.youtube.com/watch?v=RY6u1d5qzgU
L’année dernière, je participais à ce documentaire d’un autre Stéphane. Stéphane Ghez pour Arte, L’énigme David Lynch. Stéphane avait réuni pour cette occasion beaucoup d’acteurs et d’amis du cinéaste visionnaire : Jack Fisk, Kyle MacLachlan, Laura Dern, Isabella Rossellini, sa première femme Peggy Reavey, Mary Sweeney. J’étais très touché qu’il me propose d’y apparaître, moi qui ne suis qu’un archi-fan. J’interviens à partir de la 33e minute pour parler de Twin Peaks et de son cinéma après Twin Peaks. Merci à Stéphane Ghez pour ce très beau film.
https://www.youtube.com/watch?v=ehrcy3sEgWY&t=619s
Et puis, à leur invitation, j’ai écrit une tribune dans Le Monde pour faire un point de tout ce que Twin Peaks m’aura, ou nous aura, appris. L’archi-fan se fait tribun. C’est dans le numéro de ce week-end. Vous pouvez peut-être encore le trouver si vous voulez le lire au format papier.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/01/25/pacome-thiellement-essayiste-twin-peaks-nous-a-appris-a-regarder-une-serie-comme-on-se-regarderait-dans-un-miroir_6515538_3246.html
On n’en a pas fini avec David Lynch. Loin de là. On ne fait que commencer. Je vais venir en parler à Mauvais Genres, chez François Angelier, sur France Culture, le samedi 1er février. Et le lendemain, dimanche 2, à 16h, on lui rend hommage au cinéma L’Archipel, 17 boulevard de Strasbourg, avec Emmanuelle Lacalm et Margot Merzouk. On projette son dernier long-métrage pour le cinéma, Inland Empire. Ce film tellement mystérieux, envoûtant, dérangeant, et toujours trop peu vu et trop peu commenté. Pourtant il y a tout dans Inland Empire. On le voit ensemble sur grand écran, et on en parle ensemble en fin de projection.
https://www.larchipelcinema.com/evenement/2176668-dimanche-2-fevrier-a-20h-seance-hommage-a-david-lynch-en-presence-de-pacome-thiellement
Et puis bien sûr on fera quelque chose à Blast. Ce “quelque chose” était prévu avant, du reste. Et la date de tournage avait même été décidée trois jours avant la nouvelle de sa disparition. C’est fou, quand on y pense. Ce “quelque chose” sera, en quelque sorte, le début de la suite de La Fin du film. C’était l’idée de revenir sur Twin Peaks. De revenir à Twin Peaks. Et ce “quelque chose” sur Twin Peaks (et maintenant, nécessairement, également, sur David Lynch), je le ferai avec mon vieux complice Thomas Bertay. Ce sera le premier “quelque chose” d’un nouveau programme qu’on fera avec Thomas pour Blast.
C’est normal pour moi de faire “quelque chose” sur Twin Peaks avec Thomas. En 1998, on s’est quasiment rencontré sur notre amour commun de David Lynch, et surtout de Twin Peaks. Sa société de production s’appelle (pas pour rien) Sycomore Films. Nos films expérimentaux, pendant des années, de 1999 à 2012, les cinquante-deux épisodes de la série Le Dispositif, étaient influencés par beaucoup de choses, en particulier les Documents Interdits de Jean-Teddy Philippe, l’univers des Residents, notre découverte commune de l’ésotérisme ou la télévision expérimentale des années 1970 : Jean-Christophe Averty, Jean Frapat, etc. Mais ils étaient surtout influencés par David Lynch.
Donc, un nouveau programme pour Blast avec Thomas. Sur les chefs-d’oeuvre de la télévision. Comme La Fin du film. Mais on le fera moins souvent que La Fin du film. Parce que L’Empire n’a jamais pris fin me prend presque tout mon temps. Mais vraiment presque tout mon temps. Le nouvel épisode, sur Louis XIV, est actuellement en montage. Et l’avant-première aura lieu le vendredi 14 février à L’Archipel :
https://www.larchipelcinema.com/evenement/2176472-vendredi-14-f-vrier-20h-avant-premiere-de-l-empire-n-a-jamais-pris-fin-avec-pacome-thiellement-et-blast
Notez ça sur vos agendas, même si on vous le rappelera dès le prochain message.
Et j’écris en ce moment l’épisode 5 de la saison 2, sur Jean-Jacques Rousseau. Ce qui veut dire : relire tout Jean-Jacques Rousseau (ou presque), et tant de choses autour de Rousseau et de son temps. Vous imaginez sans difficulté le temps de lecture que ça peut représenter. Après l’épisode 5 de L’Empire n’a jamais pris fin, j’enchaîne avec ce “quelque chose” sur Twin Peaks avec Thomas. Et ensuite, avec Ameyes, Baptiste, Mathias et Morgane, on fera les deux derniers épisodes de la deuxième saison de L’Empire. Parfois, entre deux épisodes, je prendrais aussi un moment pour faire un Deep Web Fantasia avec le cher Benjamin Patinaud (de la chaîne Bolchegeek). C’est un tel plaisir de faire ces émissions plus souples, plus détendues, en dialogue, sur des sujets contemporains. Sur notre passion de la culture Internet. Et c’est tellement stimulant pour moi de discuter avec Benjamin. Le deuxième a été tout récemment mis en ligne. Il traite des vidéos virales sur Internet, à partir de celle qui marque le basculement de la culture TV à la culture du Web : Too Many Cooks.
https://www.youtube.com/watch?v=iSWbTgfpaV0&t=2314s
Tout ça ne me laisse pas beaucoup de temps pour d’autres choses. Et donc, sans surprise, je ne fais pas beaucoup d’autre chose.
Mais d’autres choses peuvent se faire sans moi. Comme par exemple, une réédition de Cabala, mon cinquième livre, sur Led Zeppelin, initialement publié en 2009. Une réédition augmentée de tous mes autres textes inédits sur le rock. Celle-ci sort ces jours-ci aux P.U.F., collection Quadrige, sous le titre Esotérique du Rock, Cabala et autres textes. Le lancement (présentation + signature) aura lieu à la librairie Les Nouveautés, 45 rue du Faubourg du Temple 75010 Paris, le mercredi 29 janvier à 19h.
https://www.librairielesnouveautes.com/agenda-167583/lancement-d-esoterique-du-rock-cabala-et-autres-textes-de-pacome-thiellement/
Et puis il y a l’événement éditorial de janvier (à mes yeux). Je voulais déjà vous en parler dans la dernière niouzeletteur, mais j’attendais qu’il soit sorti pour ça. Il est sorti. Le 15 janvier. C’est le bouleversant 30/40 de Jean-Christophe Menu édité par L’Apocalypse. Maintenant vous pouvez vous le procurer. Achetez-le si possible en librairie. Au Monte-en-l’air, par exemple. Mais si vous ne pouvez pas le trouver en librairie, vous pouvez le commander ici :
https://www.lapo.fr/livres/30/40
La collection 30/40, c’est une des mythiques collections splendides de la maison d’édition Futuropolis, qui en avait une poignée d’autres, toutes originales et esthétiquement désarmantes : Hic et Nunc, Copyright, X, Gros Nez, etc. Ces collections de l’époque, mythique elle aussi (1974-1994), où la maison d’édition était dirigée par Etienne Robial. 30/40, c’étaient des albums de bande dessinée de très grande taille (30 cm sur 40 cm, vous avez compris) mais souples et extrêmement agréables à lire, à manier. Ce n’était pas ces “plaisirs d’haltérophiles” comme Cavanna disait de ces recueils de bande dessinée grands, gros, lourds, comme on en a eu beaucoup ces dernières décennies. Les 30/40 étaient paradoxalement légers. Il y en avait eu 22 entre 1974 et 1993 : des 30/40 splendides de Crumb, Moscoso, Tardi, Bazooka, Charlie Schlingo, Chantal Montellier, Moebius, Willem et, mythique parmi les mythiques : Le Roman de Renart par Cabanes et Forest. J’en étais fou.
Jean-Christophe Menu, c’est le dessinateur et éditeur de génie qui a jadis cofondé et dirigé la maison d’édition L’Association. En tant que dessinateur, depuis plus de trente ans, il n’a cessé d’inventer des formes de récits qui mêlent autobiographie, rêves, récits à suivre, strips, reportages, comptes-rendus de concerts, chroniques de disques même et fictions imaginatives puissantes. Avec ses personnages : Lapot, Meder, Momok, Vert Thépamur, la Mune… Et sa plus belle création peut-être : les Moines du Mont-Vérité, dans ce livre de 2002, Le Livre du Mont-Vérité par lequel sa bande dessinée tutoie celles de Herriman, de Fred, de Mandryka, de F’murrr. Mais ce qu’il y a de plus beau chez Jean-Christophe Menu, c’est ces livres où toutes ses tendances différentes se mêlent, coexistent, passent de l’une à l’autre. C’était le cas de la Métamune Comix de 2014. C’est le cas de ce 30/40. Tout se mêle.
Jean-Christophe Menu a toujours été influencé, en tant qu’éditeur, par Etienne Robial et Futuropolis. Dès les années 1990, L’Association se revendiquait de l’influence de Futuropolis. Jean-Christophe Menu, à la suite d’une histoire trop longue et complexe pour que je prétende vous la résumer en quelques phrases, a quitté L’Association il y a un peu plus de dix ans et créé les éditions L’Apocalypse. C’est aux éditions L’Apocalypse qu’il a publié les trois premiers volumes absolument essentiels des Lundis de Delfeil de Ton, par Delfeil de Ton. Il a publié des dessinateurs et dessinatrices d’aujourd’hui (Geneviève Castrée, Rachel Deville, Peter Blegvad, Sophie Darcq), et également réédité des ouvrages cruciaux de Topor, de Willem, de Forest. Enfin, il a proposé à Etienne Robial de reprendre sa collection 30/40 aux éditions L’Apocalypse. La condition pour laquelle Etienne Robial a accepté de la reprendre, et c’était bien vu (parce qu’Etienne Robial a aussi été l’éditeur de Menu, à l’époque des éditions Futuropolis, en 1987, avec le mythique Portrait de Lurie Ginol, et il sait à quel point Menu n’est pas seulement un immense éditeur ; c’est aussi et surtout un immense dessinateur), c’est que Menu fasse le vingt-troisième 30/40.
Voilà donc ce chef-d’oeuvre des chefs-d’oeuvre. Ce livre vertigineux, impossible à lire sans avoir le coeur qui batte un peu trop vite et un peu trop souvent.
Dans ce 30/40, dans deux “Aventures avec la Mort”, Jean-Christophe Menu affronte sans doute ce qui est le plus dur à dire, écrire, montrer, raconter, construire… Les deuils récents de ses deux parents. L’histoire de la disparition de son père et celle de sa mère. Il le fait d’une façon que je n’avais jamais vu auparavant. Dans d’autres bandes dessinées de ce 30/40, qui continuent une exploration déclenchée il y a une dizaine d’années dans Métamune, il y a également des enquêtes sur des objets trouvés. “Le Mystère des vide-poches de la guerre 14-18”, “L’Arche de Noému”. Cela fait partie des choses que je trouve le plus beau et le plus entêtant chez Menu. Les enquêtes sur les objets trouvés dans des brocantes. La place de l’objet trouvé chez Menu mériterait une exégèse. Menu retrouve quelque chose de la quête surréaliste de l’objet trouvé en brocante où le monde intérieur s’expliquerait ou se verrait réverbéré par le monde extérieur. On en trouve une description passionnante au début de L’Amour fou (un livre très jean-christophe-menuesque d’André Breton). C’est si beau ! C’est mieux que beau. Mais je vous laisse découvrir. On n’a pas fini d’en parler. D’en reparler. Menu, c’est de la bande dessinée prise dans son essence même. De la bande dessinée à l’os. Quand on aime la bande dessinée, peut-on ne pas aimer d’amour fou les bandes dessinées de Jean-Christophe Menu ?
https://www.lapo.fr/livres/30/40
Et puis… Et puis, ça fait quelque temps que je me suis dit que je partagerais bien avec vous, sur cette niouzeletteur, des vidéos qui m’intéressent en ce moment. Pas uniquement des vidéos de Blast (même si je vous recommande de regarder les vidéos de Blast, ne serait-ce que le dernier éditorial de Denis Robert où il parle magnifiquement de Cavanna, éditorial qui s’ouvre et se ferme par quelques images d’Eraserhead). Pas uniquement des vidéos de Blast, donc, que je suppose que vous connaissez. Mais des vidéos que vous pourriez (peut-être) n’avoir pas vues. De gens que vous ne connaissez (peut-être) pas ou (peut-être) pas encore assez. (Peut-être, peut-être, peut-être) (Beaucoup de peut-être tout ça) Par exemple, depuis quelques temps, je regarde et écoute les vidéos de Blaise Marchandeau, en particulier celles publiées sur la chaîne Le Sursault, sur YouTube. Blaise Marchandeau, je l’avais rencontré il y a un an environs, quand j’étais allé dans l’émission du soir de Lundi Matin, “Lundi Soir”.
https://www.youtube.com/watch?v=IOgMoReX5a8
C’est une émission qui avait été passionnante pour moi. Une des intervenantes, Margot, m’avait demandé ce qu’il en était de la dimension liée au Carnaval dans l’élaboration de L’Empire n’a jamais pris fin. Cette question a eu une influence très nette dans toute la deuxième saison. Blaise avait lancé des pistes incroyables tout le long, comme d’ailleurs dans toutes les vidéos de Lundi Soir où il intervient. Bref. Ce n’est pas le sujet.
Le sujet, c’est ça : à l’époque, je n’étais pas familier du travail philosophique de Blaise Marchandeau. Le travail de Blaise Marchandeau est passionnant, original et drôle à un point que je n’avais pas imaginé (entendez : j’avais imaginé quand même que ce serait - passionnant, original, drôle - oui, je l’avais imaginé, bien sûr, mais je ne l’avais pas imaginé à ce point). Ici, ce sont des vidéos de cours où Blaise Marchandeau déplie le contenu de ses recherches étendues sur le concept de… stratagème. Et comment l’Histoire des stratagèmes peut éclairer la compréhension du temps présent. C’est si riche, c’est fou. Et c’est tellement nouveau. Je découvre à peine. Je me trompe peut-être mais j’ai l’impression que cette manière de penser les choses, liée à sa familiarité avec la pensée chinoise, est vraiment nouvelle pour penser le fonctionnement du pouvoir et surtout l’opposition efficace au pouvoir aujourd’hui. Je vous joins aussi une intervention sur la notion de “Béhémoth nazi”, une intervention sur l’utopie néoréactionnaire et une autre sur Han Fei. Pour moi, ça vaut le détour. Et ça vaut qu’on s’installe longtemps dans ce détour.
https://www.youtube.com/watch?v=9Z_43l7E8I0
https://www.youtube.com/watch?v=Nx9jfdhzcOs
https://www.youtube.com/watch?v=QXP_46RXQWk
https://www.youtube.com/watch?v=lUZdnXuY1sc&t=1357s
Oui, ça fait déjà beaucoup de choses et on a pas mal de rendez-vous. Ouf. Je récapitule nos rendez-vous.
Mercredi 29 janvier à 19h : Rencontre et signature d’Esotérique du Rock à la librairie Les Nouveautés, 45 rue du Faubourg du Temple 75010 Paris
https://www.librairielesnouveautes.com/agenda-167583/lancement-d-esoterique-du-rock-cabala-et-autres-textes-de-pacome-thiellement/
Dimanche 2 février à 16h : Hommage à David Lynch. Projection d’Inland Empire, suivie d’une discussion au cinéma L’Archipel, 17 boulevard de Strasbourg 75010 Paris
https://www.larchipelcinema.com/evenement/2176668-dimanche-2-fevrier-a-20h-seance-hommage-a-david-lynch-en-presence-de-pacome-thiellement
Vendredi 14 février à 20h : Avant-première de l’épisode 4 de la saison 2 de L’Empire n’a jamais pris fin à L’Archipel, 17 boulevard de Strasbourg 75010 Paris
Passez une bonne journée, les amis.